Avec vue

Avec vue
Anne Moirier

- Description

2015, Bapaume FR

Avec le Centre de détention de Bapaume, le Service pénitentiaire d’insertion et de probation (SPIP), l’exploitation agricole GAEC Tabary et 7 détenu·es : Alaitz, Anne-Sophie, Ben, dOdO, Mario, Oihana et Robert

Les personnes détenues ont été invitées à concevoir des mises en situation dans la région Hauts-de-France à partir d’objets et de meubles issus de leur cellule ; l’objectif étant de leur permettre d’agrandir leur espace de vie et d’exister en dehors des murs. Le projet a commencé autour de cartes touristiques. Après avoir déterminé avec chacun·e les lieux, les objets, la scénographie et le cadrage, j’ai réalisé à l’extérieur les mises en situation et les photos en suivant les protocoles établis. De retour avec les clichés, les personnes ont choisi celui qui représentait au mieux ce qu’iels recherchaient et iels ont écrit des textes.

 

- Détails

– armoire
– chaises
– chaussures
– matelas
– synthétiseur
– tables
– tableau
– durée 3 jours

- Partenaires

Association Hors cadre
Communauté de Communes Sud Artois
DRAC Hauts-de-France
– Rectorat de l’académie de Lille
– Direction des services départementaux de l’éducation nationale du Pas-de-Calais

Action réalisée dans le cadre de la résidence-mission Sud Artois 2015

« Lorsque les esprits s’évadent, ils font parfois des rencontres. Lieu improbable, situation imaginaire. Lorsque la musique se diffuse, à chacun son écoute. Animaux, personnes, le public m’importe peu. Lorsque l’artiste intervient, tout devient possible alors. Au-delà de nos murs, un rêve devient réalité. Ne serait-ce que pour un instant : paraître, exister. »

Robert, Un lac des cygnes à l’étable

« Vivre dans un espace fermé détériore sans aucun doute la personne. C’est pour cela que pour agrandir ma cellule, j’ai pensé à son contraire : un espace ouvert. Pour moi, la nature montre cette idée. Et de tous les paysages, j’ai choisi le bois comme un des endroits qui me manque. Là où j’aimerais être… Le matelas représente ce rêve. »

Alaitz, Et si je me réveillais dans le bois

« J’ai choisi mon armoire de cellule vu que celle-ci me rappelle mes années de lycée. À cette époque, jamais je n’aurais cru me retrouver incarcéré un jour. C’est pour cette raison que j’ai proposé de la coucher et de mettre des livres dedans en essayant de retracer mon parcours de vie jusqu’à ce jour. Un jeune étudiant… après mon BEP, j’ai fait mon service militaire puis cherché du travail et commencé une vie avec une copine. Puis plus de travail… À ce moment-là, des mauvais choix, puis la justice qui m’a rattrapé. Actuellement, en formation professionnelle, je recommence ma réinsertion. Cela m’apporte des nouvelles connaissances afin de retrouver du travail. C’est pour cela que j’ai choisi un lycée, pour leur apporter une réflexion sur leur avenir. C’est cet âge-là qui compte. Les fréquentations, les diplômes sont très importants pour leur réussite future. »

Ben, L’armoire de Ben : Un parcours de vie

« Photo à Wimereux sur la digue. Face à la mer. Avec le petit bassin à marée basse. Wimereux est la ville où j’ai grandi. Dans ce petit bassin, j’ai pataugé, appris à nager. Et l’été avec les copains, c’était les soirées dans les cabines de plage à contempler les couchers de soleil, uniques chaque soir. Pendant mon enfance avec les mamans. Après l’adolescence, des weekends à moto sur ce sable. Dans l’eau à faire des courses. Des soirées en terrasse avec des coca, à rigoler des bêtises de nos journées, regardant les couchers de soleil. Dans la soirée, bêtises de jeunesse, bagarres avec des feux d’artifice. Dans les caniveaux… Boom ! À cache-cache autour des cabines de plage. Toujours à quatre depuis plusieurs années. Inséparables. Toujours sur la digue de Wimereux ou près de la mer. Toutes sortes de bêtises, de jeux… Toute mon enfance, mon adolescence, ma jeunesse… Souvenirs joyeux. Très joyeux. »

Anne-Sophie, Esquisse d’enfance

« J’ai emmené ma table et ma chaise de cellule à Merlimont. Nous avons pris possession de la plage après de nombreuses années de prison. Celle-ci me rappelait mes vacances avec ma petite famille. Qu’il est loin le temps où nous profitions de regarder la mer, les vagues qui viennent mourir le long de la plage, les enfants qui jouent sur le sable, les amoureux qui flirtent… À force de fixer la mer, j’ai vu un jour une sirène dans l’océan. Celle-ci me tendit les mains. Est-ce un mirage ? Elle m’appelait en chantant. Je me suis rapproché méfiant. Elle m’a emporté dans le néant. J’ai vécu un beau rêve avec ma belle sirène. Pendant quelques heures, j’ai oublié mon incarcération. Pendant un court instant, tout avait changé : le sable avait remplacé le béton, plus de barbelés, les cris des mouettes avaient remplacé les cris des détenus. J’ai atterri et je suis remonté à la surface. Maintenant, je fixe le ciel, en attendant que ma sirène me tende de nouveau les bras. »

Mario, La sirène de Mario

« Sur la route des vacances, le clocher de Notre Dame d’Albert était le signe du retour à la vie en famille. La voiture filait sur des domaines encore inconnus. Le dôme en or massif m’inspirait des images pieuses de mes souvenirs. Mon œuvre représente le souffle de la Dame qui éveille en moi un esprit de clarté. Le tableau se dévoile sous le vent, dans un espace de lumière, laissant découvrir le triangle de la connaissance. »

dOdO, Voyage sympathique

« 1200 km me séparent de chez moi ; des miens, des miennes, des nôtres. Pendant des années, ces 1200 km ont été atténués par la solidarité, par des sourires, par quelques larmes de joie et des cris de révolte. Il est temps de briser les murs des prisons et de faire des usines, des écoles, des maisons avec. Il est temps de rentrer. Pour toutes. »

Oihana, Il est temps de rentrer